Je suis childfree

Bonjour, je m’appelle Sarah. J’ai 29 ans et je travaille dans la communication à Paris.

Je me définis comme « childfree ». Autrement dit, comme quelqu’un qui ne veut pas d’enfant. C’est une idée ancrée en moi depuis des années. Depuis toujours même je dirais. Petite, je savais déjà que je ne voulais et ne voudrais pas d’enfants, dans tous les cas pas avec un homme. Et je ne l’ai jamais caché.

Je n’ai pas vécu une enfance particulièrement facile. Je suis intimement persuadée que l’histoire se répète. Si j’ai décidé de ne pas faire d’enfant, c’est en partie parce que je n’ai pas envie de reproduire un schéma parental tel que celui que j’ai pu connaître. De plus, j’ai une famille bien trop chaotique pour balancer sciemment un enfant au milieu de tout cela et de lui laisser pour héritage toutes les mauvaises choses que j’ai vécu.

Pourtant, j’aime les enfants. Pas assez pour en vouloir un à moi, pour l’aimer inconditionnellement et lui dédier ma vie, mais je pense avoir ce qui s’apparente à un « instinct maternel ». En effet, ma plus jeune sœur est née lorsque j’avais 19 ans et que je m’en suis énormément occupée, j’ai pris soin d’elle et nous sommes aujourd’hui très fusionnelles.

Soyons claires. Avoir un enfant ne m’intéresse tout simplement pas. Il y a tant de choses à faire et à voir dans ce monde ! C’est ce qui me permet de m’ouvrir, de m’épanouir, de m’accomplir. Et je ne ressens pas le besoin de devenir mère pour cela. Je n’ai pas ce besoin presque viscéral que peuvent décrire certaines femmes de porter la vie. Je suis heureuse ainsi. Et c’est ainsi que je vis et clame haut et fort ma féminité.

Je suis très féministe. Cela est venu tardivement, tout un travail de déconstruction par rapport à tout ce que j’avais appris et tout ce que ma famille et la société m’avaient inculqué. Cela est très important pour moi, c’est même essentiel. A ce titre, j’ai la sensation que je ne parviendrais pas à élever un enfant. J’insisterai probablement énormément sur mes valeurs féministes, et je pense qu’il n’est jamais bon de formater quelqu’un, encore moins un enfant.

Si j’avais une fille, j’aurais toujours peur pour elle. Et ce n’est pas sain.

Si j’avais un fils, je ne saurais pas comment éviter qu’il ne soit le fruit de cette société pratriarcale. Et ça me rendrait malade.

Finalement, bien que cette volonté de ne pas avoir d’enfant ait toujours été présente, en grandissant et en me construisant, la vie n’a fait que renforcer cette évidence.

La question que l’on me pose souvent, c’est de savoir comment cette décision est acceptée par mon entourage, ou par la société en général.

Contrairement à d’autres femmes « childfree », j’ai la chance que tout soit clair pour les membres de ma famille depuis mon plus jeune âge. Etant donné que j’ai toujours dit que je ne voulais pas d’enfant, mes proches ont totalement assimilé cela. Je n’ai pas à répondre aux fameuses insinuations concernant mon horloge biologique ou l’accueil d’un enfant.

Je suis bisexuelle mais je ne suis pas en couple actuellement. Les relations avec les hommes sont particulièrement effrayantes car je redoute la conversation concernant les projets et la construction d’une éventuelle vie de famille. J’ai peur que mon ou ma partenaire me demande d’avoir des enfants et insiste, à fortiori quand il s’agit d’un homme.

Cela dit, je suis jeune. A moins de 30 ans, nombreuses sont les femmes qui n’ont pas encore d’enfant, y compris celles qui souhaitent en avoir par la suite. Aujourd’hui, il est totalement acceptable de prioriser ses études, puis sa carrière et d’avoir une vie posée et construite avant d’envisager d’avoir un enfant. Pour le moment, ma place dans la société n’est pas marginale. J’imagine que dans une dizaine d’années, cela sera totalement différent.

Je vis à Paris depuis quelques temps. Il est beaucoup plus facile pour moi de faire accepter ce que je suis et ce que je souhaite ici plutôt que dans la région dont je suis originaire par exemple, où la norme est plutôt au mariage, à l’achat d’une maison et la fondation d’une famille. Malgré tout, même si nous sommes dans un pays laïque, les principes de la religion catholique restent très présents dans notre société. Nous renvoyons l’image d’un pays occidental libre et ouvert d’esprit, mais il y a encore de nombreux progrès à faire. Souvent, les villes cosmopolites comme la capitale sont choisies pour la vie qui va avec, autrement dit les choses, les évènements et les endroits parfois extravagants. Cela nous donne la possibilité de l’être également dans nos choix personnels. On paye assez chers les loyers parisiens, mais on sait pourquoi. Je considère que cette liberté a un coût.

De plus, il est facile de se politiser dans les grandes villes, que ce soit pour affirmer son féminisme, son écologisme ou son soutien à la communauté LGBT par exemple.

Malgré tout cela, je comprends totalement les femmes qui veulent des enfants. Je pense qu’on peut même les féliciter. Avoir des enfants, c’est faire preuve d’une certaine force ! C’est une responsabilité si lourde. A mes yeux, la maternité a quelque chose de mystique. La femme porte un enfant dans son propre corps et crée ainsi un lien avec ce dernier que personne au monde ne peut défaire. Finalement, on pourrait presque dire que la maternité a un côté spirituel.

Si j’ai accepté de témoigner, c’est parce qu’il me semble important de normaliser ce non-désir de maternité. Je suis totalement consciente du regard posé sur les femmes qui n’ont pas d’enfant. On les considère comme des « vieilles filles », comme celles qui n’ont « pas été capables » d’être fécondées par un homme. Plus nombreuses seront les femmes à en parler et plus notre volonté sera entendue et, je l’espère, comprise. L’essentiel, à mon sens, c’est que chacune soit en accord avec sa décision et respecte celle des autres. J’ai plein de couples d’amis qui ne veulent d’enfants, et d’autres qui accueillent leur premier ou leur deuxième. Et je suis extrêmement heureuse pour chacun d’entre eux.

Musique choisie par Sarah : Mereba – Black Truck

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