Ce moment où j’ai déployé mes ailes.

Je m’appelle Améline, j’ai 25 ans. Je suis sage-femme et je vis dans l’Est de la France, avec mon amoureux et mon chat.

5 juillet 2019, 21h30. J’envoie un message à mes proches « Je suis dans l’avion, il va bientôt décoller. J’éteins mon téléphone. Bisous, je vous aime ».

Après ces longs mois d’attente, ces 6 années d’étude et l’obtention de mon diplôme, j’y suis enfin.

Siège contre le hublot, mon chat Molly à mes pieds, l’avion vient de décoller pour 11 heures de vol direction l’île de la Réunion. Je pars seule, heureuse de revenir sur cette île sur laquelle j’ai vécu probablement les deux plus belles années de mon enfance, mais avec un peu d’appréhension tout de même. Je l’ai quittée au sein d’une famille unie, je la retrouve en tant qu’adulte mais avec des parents divorcés qui ne s’adressent plus la parole.

De plus, je n’ai jamais été séparée aussi longtemps ni de ma mère, ni de mon amoureux.

Je n’ai pour ainsi dire jamais vécu réellement seule, et je vais débuter sur place ma carrière de jeune sage-femme. Que de nouveautés ! Je suis tellement heureuse et excitée de réaliser ce projet que je pense et réfléchis depuis de nombreux mois. Bref, un vrai bouleversement et beaucoup d’émotion pour le petit cœur sensible que je suis.

Après de longues heures de vol, l’avion entame enfin sa descente. Un coup d’œil par le hublot et je suis submergée d’émotions. Les voilà les reliefs de cette île sublime, celle que l’on appelle « l’île intense ».

Sur place, un homme que je ne connais pas m’attend pour me conduire à l’autre bout de l’île. Pour moi qui suis peureuse et ne fait jamais confiance aux inconnus, c’est une première !

A l’arrivée, c’est un peu compliqué. A la fatigue et au stress du voyage s’ajoute un périple de plusieurs heures pour récupérer ma petite Twingo de location. Cette fameuse petite voiture qui ne me coûte pas cher mais dont les pneus sont lisses et la carrosserie cabossée. Avec Molly qui commence à saturer, je me demande si j’ai pris la bonne décision. Moment de doute.

Ce sentiment est vite balayé par la joie de découvrir les paysages de l’île sur la suite du trajet.

Puis, quelques heures plus tard, le soleil se lève sur le jardin à la végétation luxuriante dans lequel poussent des bananiers, des papayers et d’autres arbres fruitiers exotiques. Mon premier jour en tant que sage-femme ! C’est un réel plaisir de me rendre au cabinet de celle que je remplace. Le paysage sur la route est magnifique. Ciel bleu, champs de canne à sucre, palmiers et montagnes en arrière-plan. La radio locale en bande sonore du paysage qui défile sous mes yeux.

Je rencontre mes premières patientes, j’enchaine les visites à domicile. Je négocie mal mon virage et la roue avant gauche de ma voiture s’échoue dans le fossé. Et merde ! En cas de soucis, j’ai pour habitude d’appeler mes parents ou mon amoureux à la rescousse. Je ne suis pas la reine de l’autonomie et de l’indépendance. Or, je suis quasiment à 10 000 km de chez eux, je ne connais bien évidemment personne dans le coin. Impossible de décoincer ma voiture et il me reste encore de nombreuses patientes à voir aujourd’hui. Je dois me débrouiller seule. Je mets de côté ma timidité et sollicite les habitants du coin pour leur demander de l’aide. Je suis sauvée et heureuse d’avoir pu me sortir de cette situation sans l’aide de « papa et maman ». Je rencontre d’ailleurs d’autres déboires pas la suite avec cette voiture, je finis toujours par m’en sortir

Sur mes jours de repos, je vais à la plage, je fais des rencontres, je randonne. Je profite de la vie !

Fini la grisaille, les révisions et le stress des cours. Je m’épanouis dans mon travail et je me sens détendue et heureuse de pouvoir profiter des paysages merveilleux que m’offre cette île.

Je suis seule face à moi-même. Je ne vois quasiment personne en-dehors de mes patientes qui deviennent, pour certaines d’entre elles, bien plus que cela. Certaines m’invitent à dîner ou à cuisiner chez elles. Je partage tous ces moments par texto avec mes proches. Certains sont plus réceptifs que d’autres. Tant pis, j’apprends que je n’ai besoin de personne d’autre que moi-même pour profiter de ces moments.

J’ai l’impression de renaître, voire même de naître en tant qu’adulte, de me (re)découvrir. D’apprendre ce que je veux, ce que je suis, ce dont j’ai besoin et envie dans cette île ou le « vivre-ensemble » est un modèle à suivre.

J’apprends à m’écouter. J’apprends que je peux être fière de moi. J’apprends à m’aimer, à m’apprécier. A considérer que j’ai de la valeur, peut-être un peu plus que ce que je pensais jusqu’alors en tous cas. Je prends un petit peu confiance en moi, chose qui me fait défaut depuis de nombreuses années et qui m’a été reproché à plusieurs reprises, dans ma vie personnelle ainsi que durant mes études.

J’apprends que je peux être heureuse et vivre seule. Et que pour vivre heureuse avec les autres, je dois d’abord être heureuse moi-même. Mon bonheur ne doit pas dépendre de quiconque. Toutes les personnes qui sont dans ma vie ne doivent être qu’un bonus. La cerise sur le gâteau.

Je me sens bien, tout simplement. Je pense que je ne me suis jamais sentie aussi détendue, ou alors pas depuis très longtemps. Cette île me fait du bien. Incontestablement.

Je vaincs mes peurs, me lance des défis.

Mon chéri me rejoint pour quelques semaines. Nous sommes ensemble depuis presque huit ans. Je l’aime de tout mon cœur, mais c’est là que je comprends réellement. Je suis désormais totalement heureuse seule. Et c’est avec lui que je veux partager cela. Ne rien attendre en retour. Juste partager ce bonheur à deux. Et pour longtemps.

Je termine mon remplacement et enchaîne sur un autre. Nous changeons donc de logement et arrivons dans une maison en colocation. Je fais des rencontres formidables. Ces personnes avec qui je vais vivre quelques semaines seulement sont toutes les témoins de cette redécouverte de moi-même. Elles sont donc extrêmement chères à mon cœur.

L’un des moments tant attendu de ce voyage, c’est le cadeau offert par ma maman à l’occasion de ma remise de diplôme. Un baptême de parapente. J’ai peur, mais je me lance. C’est magnifique ! Le lagon sous mes pieds, les pailles en queue, oiseaux symboliques de l’île dans le ciel… Le calme infini à cette altitude. La révélation. A ce moment, pendant ce voyage, j’ai déployé mes ailes. Dans tous les sens du terme.

Aussi, avant mon retour en métropole que je redoute beaucoup, je décide soutenue par ma colocataire et amie Lucie de me faire tatouer un paille en queue, pour ne jamais oublier à quel point cette île et ce voyage m’ont permis de me sentir bien.

Je passe donc sous les aiguilles d’une tatoueuse très patiente à qui je précise dès les premières minutes de notre rencontre que « vraiment normalement je n’aime pas les tatouages » !

Je quitte l’île quelques jours plus tard après 3 mois magnifiques. Un poste m’attend en métropole dans un hôpital, je vais retrouver mes proches. Je tends mon passeport au contrôleur sans parvenir à empêcher mes larmes de couler.

***

A distance, un an et demi après, je suis encore consciente de tout le bien que ce voyage m’a fait. Il m’a permis de devenir la femme que je suis maintenant. Pas vraiment différente, mais plus tout à fait la même.

J’ai appris sur moi, j’ai appris sur les autres. Et si je partage cette expérience c’est parce qu’il me semble important que chaque personne, et plus précisément chaque femme soit consciente de ceci : votre bonheur se construit et s’entretient. Il ne doit dépendre de personne. Chaque personne que vous avez à vos côtés (votre famille, votre amoureux(se), vos ami(e)s) ne doivent qu’enrichir ce bonheur que vous construisez. Ayez vos propres projets.

Je suis très sensible et il m’arrive d’avoir des gros coups de mou, parfois sans raison. Mais je pense qu’il est important d’avoir conscience de cela et d’essayer de se le rappeler dans les périodes un peu plus difficiles comme celle que l’on vit actuellement.

Vivez vos rêves !

Musique choisie par Améline : Maloya traditionnel

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