Je suis tombée amoureuse de Marie

Je m’appelle Solène, j’ai 25 ans. Je vis à Lyon, je suis en couple avec une femme qui a 15 ans de plus que moi, et belle-maman de trois enfants de 12, 11 et 5 ans.

J’ai 21 ans quand cette histoire débute. Je suis en première année de Master dans une école de management alternative privée catholique et je traverse une période difficile.

J’ai un gros coup de blues, comme on peut en avoir parfois lors de grosse remise en question. Je m’interroge concernant mon avenir, le fait de vivre encore chez mes parents commence à me peser et je ressens un fort besoin d’indépendance. Je ne sais pas vers qui me tourner pour en parler.

Finalement, je décide de me confier à Marie.

Marie, c’est l’une des enseignantes de l’école. Elle est responsable d’un pôle d’enseignement. Elle m’a encadré pour un projet dans le cadre de ma licence et le courant était plutôt bien passé.

Je la contacte et nous convenons d’un rendez-vous rapide dans les jours qui suivent.

Je la retrouve donc quelques jours plus tard dans la cour de l’école. Elle me soutient, me rassure, puis de fil en aiguille, ce rendez-vous qui devait durer quelques minutes s’éternise.

C’est le coup de foudre, la révélation. Cette femme hétéro, mariée et mère de 3 enfants, professeur au sein de mon établissement, âgée de 15 ans de plus que moi, me touche en plein cœur. Elle est tellement intéressante. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Les minutes défilent et nous nous séparons 45 minutes plus tard.

Je suis heureuse, excitée mais hébétée. Quelle situation cocasse que d’avoir un coup de cœur pour sa prof. Je sais depuis quelques temps que j’aime les femmes, après avoir cru longtemps que j’étais asexuée, ce n’est donc pas une surprise. Ce qui est plus déconcertant en revanche, c’est le fait qu’il s’agisse d’une responsable de pôle d’enseignement dans mon établissement.

Nous échangeons des textos le soir même. En fait, nous n’arrêtons plus jamais de nous parler.

Nous sommes sur la même longueur d’onde. Nous sommes complémentaires. Malgré notre différence d’âge, nous nous rendons compte par exemple que nous écoutions les mêmes musiques aux mêmes moments de nos vies. Nous avons la même vision des choses, l’impression de se connaître depuis toujours.

Mon cœur bat la chamade à chacun de nos échanges. Je suis en train de tomber amoureuse, je le sens.

3 semaines après ce rendez-vous dans la cour de l’école, nous décidons de nous retrouver autour d’un verre pour poursuivre nos échanges tellement intéressants et enrichissants. C’est autour de ce verre que nous échangeons notre premier baiser.

Tout devient alors si beau et si compliqué à la fois !

Marie se rend compte qu’elle n’a jamais été réellement amoureuse auparavant. Ensemble nous découvrons l’amour, le vrai. Mais elle est mariée, mère de trois enfants dont le benjamin a tout juste un an. Elle est plutôt populaire à Lyon. Elle est prof dans un établissement « bourgeois » dans lequel je suis étudiante. De plus, elle est la dernière d’une fratrie de cinq enfants, ses parents ont 80 ans et sont plutôt tournés vers la droite en termes de politique. Comment leur faire accepter ce changement de vie ?

Il apparaît pourtant rapidement clair que c’est avec moi que Marie veut poursuivre la sienne.

3 mois après notre premier baiser, elle annonce à son mari qu’elle souhaite divorcer, puis elle prend un appartement.

Malgré tout, la situation n’est pas simple. Nous devons nous voir en cachette car elle est toujours professeur dans l’établissement dans lequel je suis étudiante. Mes parents se posent des questions. Ils constatent que je découche, mais je ne peux pas leur dire qui je vois. Notre relation demeure secrète pendant de longues semaines.

Bien que cette situation soit compliquée, elle ne fait que renforcer l’amour que nous ressentons l’une pour l’autre. J’aime tout chez Marie. C’est indéniable. J’ai énormément d’admiration pour elle, la femme qu’elle est et celle qu’elle devient. Et je pense pouvoir dire sans me tromper que la réciproque est vraie également.

Marie, c’est mon évidence.

La fin de l’année scolaire arrive enfin. Marie démissionne pour monter sa boîte et nous pouvons enfin vivre notre histoire au grand jour.

Nous ne demandons rien à personne, nous sommes heureuses. Le fait que Marie et moi soyons ensemble fait le tour des réseaux sociaux, notamment sur certains groupes liés à l’école dans laquelle nous étions. L’information remonte même jusqu’à Paris et nous devons faire face à une vague d’homophobie. Ce n’est qu’un obstacle de plus que nous franchissons avec brio.

Par le fruit du hasard, Marie se retrouve à bosser dans la start-up dans laquelle je fais mon stage. C’est le pied total ! L’équipe est top, et nous formons avec Marie un super binôme de travail ! Tous nos collègues d’ailleurs le reconnaissent. Nous sommes d’une efficacité sans faille lorsque nous travaillons ensemble. Je pense d’ailleurs que même si nous n’étions pas en couple, nous travaillerions ensemble.

Nous sommes un couple très fusionnel et multifacettes. On est compatible pour tout malgré la différence d’âge. Le boulot, nos valeurs, nos goûts artistiques…

En me mettant en couple avec Marie, je suis également devenue belle-maman de ses 3 enfants que j’adore. J’ai été confrontée très vite à la difficulté de ce que représente une famille homoparentale. Si on ajoute à cela nos 15 ans de différence avec Marie, j’ai souvent été prise pour la baby-sitter à la sortie de l’école, et je me suis parfois vu refuser le droit de récupérer l’un des enfants.

Etant en chômage partiel c’est moi qui, pendant le premier confinement, assurait l’école à la maison pour les enfants. Alors que nous sommes ensemble depuis 4 ans et demi désormais, j’étais difficilement considérée comme l’interlocutrice principale auprès de leurs professeurs.

C’est pendant ces longs mois de confinement que l’idée nous est venue avec Marie de créer le « collectif familles ».

Le but de ce collectif, c’est de rendre visible les parentalités LGBTQI+ pour favoriser l’inclusion de tous les types de familles, les soutenir et les mettre en lien les unes avec les autres.

Nous sommes parties du constat qu’il y a beaucoup d’associations en France qui aident les couples à accéder à la parentalité, mais très peu qui soutiennent, expliquent, approchent la suite.

Nous souhaitons contrer les non-droits, accompagner les parents ainsi que les enfants issus de ces familles à l’aide d’une communication bienveillante et non pas d’une manière militante que l’on pourrait qualifier d’agressive. Nous avons énormément d’idées, de projets en développement, d’évènements qui pourront voir le jour quand la situation sanitaire le permettra. Nous sommes également en train de créer un site internet. Nous souhaiterions réaliser un guide de bonnes pratiques à l’égard de tous les types de famille.

Malgré ce que l’on pourrait croire, je ne suis initialement pas une personne politisée. Cependant, je pense qu’on le devient par la force des choses lorsque l’on aime une autre femme étant donné que le simple fait d’aimer, d’exister et de se tenir la main dans la rue sont des actes politiques.

De la même façon, j’ai toujours été féministe. Mais cette histoire et cette situation m’ont fait grandir et le devenir d’autant plus. Pour moi, pour ma femme et pour les autres femmes autour de nous.

***

On peut dire que Marie a changé ma vie. J’ai changé la sienne également, cela semble évident quand on lit notre histoire. Nous nous enrichissons l’une et l’autre. Et c’est la plus belle chose que l’on puisse espérer d’un couple ; d’une famille.

Musique choisie par Solene: Etienne Daho – Ouverture

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