Ce fut la sortie de trop.

Ia orana ! Je m’appelle Lisa, je vis en couple à Tahiti et j’ai 29 ans. Je suis esthéticienne-conseillère de vente en parfumerie.

Originaire d’une magnifique région montagneuse quelque part en France, j’emménage en Août 2018 à Tahiti avec mon amoureux. Un cadre de vie paradisiaque ! A notre arrivée, nous achetons une voiture et un scooter pour nous déplacer sur l’île. J’ai déjà conduit un « deux-roues » étant donné que j’ai mon permis moto depuis près de 5 ans et demi. Peu de temps après mon permis, j’avais subi un accident, à la suite d’une sortie de route. Je m’en étais sortie grâce à mon équipement avec un léger traumatisme crânien, une fracture de la clavicule et l’atteinte de certains organes, notamment la rate et les poumons.  Je n’ai aucun souvenir de cet accident et après quelques jours d’hospitalisation j’étais rapidement remontée sur une moto, au grand dam de ma mère.

Aujourd’hui, nous sommes le 3 janvier 2020. L’année commence et à Tahiti il fait beau et très chaud ! Une chaleur écrasante, une chaleur tropicale. Après ma journée de boulot passée à conseiller et prendre soin de mes clientes, je prends mon scooter pour rentrer chez moi en tenue légère ; des tongs, une veste en jean fine glissée par-dessus ma robe longue. Je mets mon casque, je démarre puis je roule tranquillement. Le soleil tape mais je peux sentir un petit vent chaud contre mes jambes légèrement dénudées. Que j’aime ma vie à Tahiti…

Après quelques minutes de trajet, c’est le trou noir…

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Ce fut la sortie de trop.

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Je n’ai aucun souvenir de ce moment, mais j’ai subi, de nouveau, un accident gravissime. J’ai une amnésie de plusieurs jours, cinq exactement. Je me souviens rouler sur mon scooter, puis plus rien. Et pourtant, quand je reprends connaissance et conscience de ce qui m’entoure, je suis dans un lit d’hôpital, en service de neurologie.

Ce qui s’est passé, mes proches me le racontent rapidement. J’ai fait une sortie de route sur une voie rapide limitée à 90km/h, et pour une raison inconnue j’ai percuté le terre-plein central en béton. J’ai raclé le mur en béton sur 15 mètres environ avant de terminer ma chute sur la voie, éjectée par le choc et la vitesse. Mes blessures sont gravissimes et multiples. Grosse entorse, brûlures, de nombreuses plaies ouvertes, traumatisme crânien important avec une hémorragie au niveau du cerveau et des trous béants creusés dans ma peau notamment au niveau du genou, sur le pied et entre mes orteils, creusé par la lanière de la tong.

Pour faciliter les soins, je suis plongée dans un coma artificiel les 2 premiers jours de mon hospitalisation.

A priori j’ai toujours été consciente, bien que je ne m’en souvienne absolument pas. Cependant, j’étais peu contrôlable. Très agitée, très en colère, brutale, retirant les dispositifs techniques me permettant de me surveiller et de me nourrir… L’équipe soignante a fini par m’attacher.

Durant mon séjour en réanimation, mon conjoint est régulièrement appelé pour me calmer lorsque je suis trop agitée ou sujette à des pleurs incontrôlables. Il est présent, solide comme un roc. Il me transmet sa force et celle de mes proches par le biais de vidéos ou de messages vocaux. Ses parents, présents pour les fêtes de fin d’année sont d’un grand soutien également. Je suis persuadée que cela m’a aidée à m’en sortir.

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Je prends donc connaissance de la gravité l’accident auquel j’ai miraculeusement survécu, mais le chemin reste long et semé d’embuches. Tout cela, je n’en ai pas encore réellement conscience.

Petit à petit, je retrouve toutes mes sensations et je dois donc faire face à la douleur insupportable, tellement violente qu’elle me fait parfois vomir, liée aux soins et notamment à la réfection de mes pansements.

La date du retour à la maison arrive enfin. Malgré tout, je ne suis plus tout à fait la même. Mon traumatisme crânien a eu pour conséquence de modifier ma personnalité et ma perception des évènements. Je suis complètement désinhibée, j’ai l’attitude d’une jeune adolescente et je ne réalise pas la gravité de la situation. J’ai l’impression qu’une fois rentrée à la maison, je vais pouvoir reprendre ma vie comme si de rien n’était. Je n’ai aucune conscience du parcours du combattant qui m’attend, et peu m’importent l’angoisse et la tristesse qu’ont pu ressentir mes proches.

Pourtant, pour commencer, je dois me déplacer le moins possible, et lorsque c’est le cas je suis obligée d’utiliser des béquilles ou un fauteuil roulant.

Puis, petit à petit je réalise. Mais jamais je ne m’apitoie sur mon sort. Je dois me relever et reprendre ma vie en main.

Les visites de l’infirmière, les nombreux rendez-vous médicaux et la rééducation avec mon kiné afin de pouvoir marcher de nouveau s’enchaînent pendant plusieurs mois.

Mes parents, qui vivent en Guyane Française et que je n’ai pas vu depuis des mois, me rejoignent. De nouveau, je constate que je ne suis plus tout à fait la même. Pour moi qui suis très sensible, chaque retrouvaille, chaque visite de nos proches ici à Tahiti depuis notre départ définitif de métropole, a été un moment extrêmement riche en émotions.

Et là, alors que mes parents dont je suis très proche me manquent affreusement depuis des mois, je ne ressens rien. Je ne ressens aucune joie ou bonheur quelconque alors que je peux enfin les serrer dans mes bras. J’ai l’impression d’avoir un « blocage sentimental ». Cela me questionne beaucoup. J’ai beau être entourée, aimée, recevoir énormément de soutien, y compris à distance… Je ne ressens rien.

Le seul bien-être, je le trouve dans le sommeil. Je ne fais que dormir. La rééducation et la récupération passent également par-là, j’en ai conscience. Mais je m’en veux de ne pas pouvoir profiter pleinement de mes parents, qui vivent à plus de 10 000 km de là. Mais tous deux, ainsi que mon conjoint, veulent rester à mes côtés malgré tout.

Je passe des jours et des nuits entières à dormir. Au-delà de la fatigue intense que je ressens, le sommeil me permet de me couper des autres, de ce qui se passe autour de moi et de ce qu’il m’est arrivé. Je me surprends parfois à penser « Je vais dormir et ça ira mieux. Demain sera un autre jour ». Malgré tout, à mon réveil, la situation est strictement la même.

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Je ne lâche rien, mon rétablissement sera long mais je sais que je récupèrerai la totalité de mes capacités. Cela prendra le temps qu’il faut.

Si je témoigne aujourd’hui, c’est pour faire passer principalement un message important : à ceux qui conduisent des deux-roues, ne prenez JAMAIS la route sans équipement. On a beau le dire et le répéter, j’en ai fait les frais. Si j’avais été équipée, mes séquelles auraient été bien moins importantes.

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Aujourd’hui, je vais mieux. Je dois protéger ma peau brûlée des rayons du soleil. J’ai reconduit ma voiture au printemps dernier mais en revanche je ne touche plus au scooter. J’ai repris mon activité professionnelle en mi-temps thérapeutique cet été.

Cette expérience, aussi tragique soit-elle, m’a permis d’en apprendre beaucoup sur moi.

Je trouve cela dingue d’avoir dû traverser cet évènement terrible et passer proche de la mort pour être capable de changer d’état d’esprit et de modifier ma façon de voir les choses et de prendre des décisions dans ma vie.

J’ai pris conscience de la chance que j’avais de vivre cette vie ! J’habite sur une île paradisiaque, bien que je sois à plus de 10 000 km de mes proches. Je suis heureuse avec l’amour de ma vie, j’ai un boulot qui me passionne.

Désormais, ne feront partie de ma vie que les personnes qui m’apportent quelque chose de positif. Je ne m’embarrasse plus avec les banalités et les faux-semblants. Je peux paraître égoïste, mais mon principal objectif est de vivre pleinement et bien, dans mon corps comme dans mon esprit.

Concernant ma vie de femme, cet accident a servi d’électrochoc. En effet, à l’aube de mes 29 ans, je ne souhaite définitivement plus attendre pour fonder ma propre famille et avoir des enfants. Je veux vivre ça ! La vie est bien trop courte pour repousser ses rêves à plus tard.

Je rêvais d’ailleurs de sauter en parachute, je n’ai pas attendu d’être parfaitement rétablie pour vivre cette expérience, comme pour marquer le point de départ de cette nouvelle vie, cette deuxième chance qui m’est donnée d’être parfaitement heureuse.

Musique choisie par Lisa: Shakira – Try everything

2 commentaires

  • Valou

    Tu m’as fait trop pleurer….Tu es super courageuse. Tu es une très belle personne avec des mains en or.
    Je t’ai rencontrée lors d’1 massage et il est vrai sue j’adore tes massages, celui de 1h30 de la bombe.
    Je te souhaite tout plein de bonheur,et oui la vie est beaucoup trop courte alors fooooooonce,fais nous plein de bébés.
    Des bisous ma Lisa😘

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