Cette IVG qui m’a fait perdre mon insouciance.

Je m’appelle Lola, j’ai 25 ans. Je suis en couple avec Marc et je suis kiné. Toute jeune diplômée, j’effectue des remplacements et je suis en train d’ouvrir mon propre cabinet en parallèle. De plus, nous rénovons actuellement une petite maison pour y installer notre petit nid douillet. Que du bonheur en somme ! Je n’ai jamais été aussi épanouie avec un homme et professionnellement j’atteins enfin mon but après ces dures années d’étude. Je suis heureuse !

Je suis une femme plutôt indépendante, et je tiens beaucoup à ma liberté. Marc me connaît, le comprend, et c’est l’une des raisons pour laquelle tout fonctionne si bien entre nous.

Pourtant, depuis quelques jours ou quelques semaines, sans être capable de me l’expliquer, je ressens un besoin viscéral de rester auprès de Marc, alors que nous ne vivons pas ensemble au quotidien. En effet, pour mes remplacements j’ai parfois besoin de m’éloigner un peu géographiquement. Cela ne m’a jamais posé de problème. Et pourtant, depuis quelques temps, cela devient vraiment compliqué.  La séparation me pèse, me mine le moral. Je ne me reconnais pas.

En parallèle, je me sens mal parfois, barbouillée. Je suis affreusement fatiguée mais quoi de plus normal après cette dernière année d’étude éreintante, le stress de l’ouverture du cabinet et mes nombreux allers-retours en fonction des remplacements ? Puis la date de la fin de mon cycle menstruel arrive et il ne se passe rien. Je ne m’inquiète pas, j’ai un stérilet au cuivre, tout va bien. Tout ce stress, cela peut engendrer un peu de retard.

Puis, les jours passent et rien ne change. Je décide d’acheter un test de grossesse pour me rassurer. Je le fais en rentrant chez moi et là, c’est la douche froide. Il est positif bordel ! Je le dis tout de suite à Marc et nous décidons de nous rendre au laboratoire afin de confirmer cela (ou pas) par une prise de sang et tenter de rationnaliser un peu ce qui nous arrive.

La prise de sang confirme le verdict ; je suis bel et bien enceinte.

« Enceinte, je suis enceinte… ». Ces mots tournent en boucle dans ma tête. Je pensais me réjouir le jour où cela arriverait. Mais ça n’était pas censé arriver maintenant, pas si vite. J’ai tout fait pour que ça n’arrive pas, toujours été sérieuse concernant ma contraception. Justement pour ne pas me retrouver dans cette situation. J’ai l’impression qu’on me vole ce moment de ma vie, cette découverte de la première grossesse qui doit être un moment de joie intense.

Et là, je suis perdue. Marc est d’un soutien sans faille. « Quelle que soit ta décision, je suis là », ne cesse-t-il de me répéter. Je comprends enfin ce besoin presque vital de l’avoir près de moi depuis quelques semaines. C’est fou ce que peuvent faire les hormones. Je suis vraiment impressionnée et chamboulée par le fait que cette grossesse que j’ignorais jusque-là ait pu à ce point influencer mes émotions, la personne que je suis toute entière.

Je ressens à la fois une plénitude de me savoir enceinte, mais également une tristesse infinie. Car bien que je me sois posée la question pendant quelques jours, la réponse me paraît évidente. Je ne vais pas poursuivre cette grossesse. Ce n’est pas le moment. Nous ne vivons pas à temps plein ensemble, je viens juste d’ouvrir mon cabinet. Et puis, je ne suis pas prête. On court à la catastrophe. Et ça me fend le cœur. Je n’ose en parler à personne à part à une seule amie. Cela reste notre petit secret avec Marc. Cette décision est d’autant plus difficile à prendre à mon sens, que nous sommes amoureux, sincèrement. Et que notre projet à long terme sera très probablement de fonder ensemble une famille.

Cette période n’est vraiment pas facile à vivre.

La vie continue autour de nous, mais nous avons perdu une part de notre insouciance.

Je prends rendez-vous en consultation d’orthogénie. Marc m’accompagne.

La gynécologue me reçoit. Je ne suis clairement pas à l’aise, c’est un mauvais moment à passer. Elle réalise l’échographie pour confirmer et dater la grossesse, et je lui suis reconnaissante du fait qu’elle ne me montre pas ce qui apparaît sur l’écran. Elle me confirme que je suis enceinte, malgré mon stérilet, qui s’est légèrement déplacé. La grossesse est très récente. Par chance, elle m’explique que je vais donc pouvoir réaliser l’interruption de grossesse chez moi à ce terme, en prenant des médicaments directement à l’hôpital. Elle n’est pas vraiment chaleureuse, pas froide non plus. C’est probablement juste une consultation de routine pour elle, alors que c’est la plus difficile de ma vie pour moi.

Ouf. Au moins, je n’ai pas besoin d’être hospitalisée. Cela peut arriver quand le terme de la grossesse est un peu plus avancé.

La gynécologue en profite pour me retirer le stérilet qui est désormais obsolète. Elle m’explique le protocole. Je vais prendre des comprimés qui vont me donner des contractions et me faire saigner. Et ça sera terminé.

Effectivement, cela se déroule exactement comme le médecin me l’a décrit. Cela se passe dans le week-end, alors que je suis seule avec Marc. Quelques saignements légers, des douleurs qui augmentent crescendo, des saignements qui s’intensifient, puis tout se calme. Ce n’est pas un moment facile à vivre, mais cela se passe.

Une visite de contrôle deux semaines plus tard. Tout est fini, définitivement. Je reprends la pilule, alors que le stérilet me convenait parfaitement. Je redoute de vivre une seconde grossesse non-désirée et par-dessus tout le fait d’avoir à reprendre une telle décision.

 Je regrette que cela se soit passé. Non pas d’avoir interrompu la grossesse, je suis totalement en accord avec ce choix car je sais que c’était la bonne décision à prendre. Pour moi, pour mon couple, et pour cet enfant qui aurait pu être et n’aurait pas été accueilli et aimé de la bonne façon. Ce que je regrette c’est d’avoir eu à prendre cette décision, d’avoir eu à faire ce choix difficile qui a laissé un vide en moi. Car c’est ce que je ressens. Est-ce un vide physique ou psychologique ? Autrement dit, est-ce que ce vide est dû à mon utérus qui a été plein de cette toute jeune grossesse, ou la chute hormonale qui me fait ressentir cela ? Je ne sais pas. Probablement les deux. J’arrive à en parler un peu plus maintenant que quelques mois sont passés. Mais je ressens toujours ce vide.

Je pense que cela arrive à plus de femmes qu’on ne l’imagine, et à tout type de personnes. Et je suis convaincue qu’il y a beaucoup de tabou autour de l’IVG, c’est pour cela que j’accepte que mon histoire soit partagée.

En tous cas, pour Marc et moi qui nagions en plein bonheur, cet évènement nous a fait perdre notre insouciance, notre innocence. Nous sommes toujours amoureux, mais cela nous a coupé dans la lune de miel que nous vivions, plein d’entrain grâce à nos divers projets.

Désormais, je suis épanouie dans ma nouvelle vie professionnelle en dépit du contexte, tout comme dans ma vie amoureuse. Le souvenir de cet IVG reste douloureux mais malgré tout je sais que le moment viendra, où je pourrai me réjouir d’une grossesse et l’accueillir comme je l’ai toujours imaginé, avec beaucoup de joie, d’amour et d’émotion.

Musique choisie par Lola: Ben Mazué – Vivant

Un commentaire

  • Linossier

    Je ne suis ni pro ni contre l’IVG, c’est à chaque femme, chaque couple quand cela est possible, de faire son choix. Parfois douloureux mais pour moi toujours respectable. Choix courageux.

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